Deux événements qui ont caractérisé l’année 2021 et exercé un impact sur l’e-commerce ? La réponse est évidente : la crise du coronavirus et la catastrophe de l’Ever Given, le porte-conteneurs géant qui a bloqué le canal de Suez en s’échouant. Les deux événements ont exercé – et exercent toujours – un effet sur le commerce en ligne. Un autre élément existe cependant aux yeux de Cis Scherpereel, partenaire chez Mex United et Webceleb 2021, et Greet Dekocker, Managing Director chez SafeShops.be …
Cis : La recherche de collaborateurs ! Le phénomène n’est pas d’un ordre de grandeur comparable au blocage du canal de Suez, mais nous constatons journellement que la pénurie de certains profils freine clairement la croissance des entreprises.
Greet : C’est parfaitement exact. Notre secteur est également touché par la ‘Guerre des Talents’. On recherche de très nombreux profils numériques. L’e-commerce demande une politique de RH à part. Il ne s’agit pas seulement de discussions autour de la flexibilité dans le travail ou d’un travail en soirée, voire de nuit. Non, il est question de dynamisme et de flexibilité, liés à des compétences opérationnelles qui ne sont pas disponibles. On manque cependant autant d’experts en marketing avec une spécialisation numérique, voire même de profils numériques au sein des conseils d’administration. Les RH constituent une pierre d’achoppement qui apparaît à tous les niveaux.

Cis : Et ce sont précisément les profils et les connaissances dont on a besoin pour assurer la croissance ! Nous devons cependant veiller à ne pas généraliser. Il y a une différence en maturité dont nous devons également tenir compte sur ce point. De nombreux entrepreneurs recherchent des profils numériques. L’inconvénient réside dans le fait que les entrepreneurs non chevronnés doivent pouvoir chapeauter ces nouveaux collaborateurs et doivent donc acquérir eux-mêmes les connaissances nécessaires pour cadrer cette opération délicate. Ceux qui ont déjà une certaine expérience connaissent les profils dont ils ont besoin et savent comment s’organiser (ou se réorganiser).
Greet : Il est en effet important d’identifier cette différence. Il convient effectivement de travailler à deux vitesses, en tenant compte d’une part de la maturité et d’autre part d’une série de facteurs secondaires de ceux qui sont en train d’acquérir leur maturité. Cela joue évidemment aussi un rôle important dans la recherche des talents.
Cis : En tant qu’entrepreneur, vous entrez de toute façon en concurrence avec de très nombreuses autres entreprises. La recherche de profils numériques est un secteur extrêmement concurrentiel. Qu’il s’agisse d’un projet d’e-commerce ou d’une transformation numérique, la demande excède l’offre de très loin. Je constate aussi que les jeunes ne sont pas toujours prêts à s’engager dans une start-up, craignant de ne pas pouvoir évoluer suffisamment ou de s’engager dans un environnement manquant de maturité. Ils souhaitent souvent s’entourer d’abord d’une équipe dont ils peuvent tirer de nombreuses leçons. La distinction entre petite ou grande entreprise – ou, en fait, entreprise moins ou plus mature – joue un rôle encore plus crucial ici.
Greet : En tant que boutique web modeste ou moins mature, vous pouvez cependant prendre une bonne avance en ayant recours à une expertise externe, qui est par ailleurs largement disponible. Il faut oser franchir le pas. C’est avant tout une question d’investissement. Vous pouvez gagner, à condition d’oser investir. Par exemple un petit investissement dans Facebook. C’est réellement une question d’apprentissage, d’oser entreprendre, d’en tirer les leçons et d’aller de l’avant. Cela demande un certain mode d’investissement. Nous constatons souvent que des boutiques web collaborent avec un bureau externe pour tout mettre en place et acquérir peu à peu une expertise suffisante. Nous constatons hélas aussi que les gens sont encore nombreux à lancer une boutique web et puis à attendre tranquillement, ‘voir ce que ça donne’ ! Ils perdent évidemment la bataille à l’avance. Celle-ci se gagne grâce au talent, à l’idée de départ et à l’expertise.
Cis : Vous pouvez avoir des rêves de grandeur, mais encore pécher par manque de maturité, voire par naïveté. Vos rêves de grandeur, il faut avant tout les mettre sur les rails, les canaliser en optant pour des partages de connaissances, des formations. Faites-vous accompagner afin d’acquérir une base solide, une vision clairement délimitée. Lorsque le moment de la croissance arrive alors pour votre entreprise, vous saurez comment sélectionner la bonne personne et créer les conditions qui l’inciteront à rester à bord. Tout cela est finalement lié à la création d’une organisation et d’un cadre stratégique adultes.
Greet : L’une des principales leçons de départ devrait être : réfléchissez bien avant de vous lancer. Dans cette optique, il est vrai que les formations freinent quelque peu les gens, ce qui est finalement un aspect positif. Certains se lancent avec ce qu’on leur a appris pendant la formation, tandis que d’autres sont plutôt abasourdis. Espérons que ces derniers se rendent compte à temps qu’une boutique en ligne n’est pas réellement leur tasse de thé.
Cis : Nous constatons aussi que le besoin en accompagnement individuel se fait sentir de plus en plus. Un commerçant propose des services, tandis qu’un autre opère sur un marché international ou se heurte à une concurrence âpre ; un autre encore a une stratégie d’achat basée sur des prix imbattables, alors qu’un quatrième est confronté à des questions logistiques, etc. Chacun a son propre environnement et c’est pourquoi l’accompagnement le plus concret possible s’impose.
Greet : Le mouvement de masse a en effet disparu. Nous constatons désormais l’émergence d’entreprises plus importantes et plus adultes, qui ont d’autres besoins et attentes que les boutiques web plus modestes. Je m’attends à ce qu’elles misent encore davantage sur les échanges de données, d’expériences, etc. à un haut niveau. Pour nous, ces échanges représenteront une masse d’idées et d’expertises, que nous nous ferons un plaisir de partager avec les décideurs politiques, toujours avec un apport positif. Le travail de nuit, par exemple, pourrait être abordé dans une perspective de durabilité et pas seulement sous l’angle des ressources humaines. Il s’agit d’un tout autre point de vue qui permettra de créer d’autres circuits. Ces visions naissent d’entretiens avec des acteurs expérimentés. Les pouvoirs publics pourraient soutenir cette démarche, tant en termes de recherches que de formations.
Les commerçants en ligne qui ont débuté au cours des deux années écoulées devraient être soutenus par des trajets d’accompagnement. Une sorte de ‘session niche’, organisée en un format bien déterminé, qui permettrait de guider leur éventuelle exploration numérique.
Cis : Une attention de plus en plus accrue devrait être accordée aux collectes de fonds. Vous avez un rêve, votre marque est choisie, votre plan de site est prêt, … Mais vous n’avez que deux mains et pas suffisamment de moyens financiers. Comment aller chercher l’argent nécessaire ? Il est disponible en suffisance, il vous suffit de pouvoir vendre votre ‘boutique’. Votre vision et votre stratégie doivent être suffisamment percutantes pour inciter d’autres personnes à investir. J’estime très positive l’idée de proposer de plus en plus souvent cet angle d’attaque. Brusquement, l’e-commerce n’est plus simplement l’histoire d’un beau site web, mais un récit passionnant d’argent, de connaissances et de stratégie.
Greet : Voilà pourquoi la présence de profils numériques au sein d’une entreprise est tellement importante. L’aspect numérique devrait en fait être étendu à la durabilité. Il faudrait introduire des gens disposant de telles connaissances au plus haut niveau de l’entreprise, comme par exemple le conseil d’administration. L’entreprise a besoin de connaissances technologiques, combinées avec un réseau, du capital et des connaissances financières. Les entreprises qui ont atteint la maturité s’entourent souvent de ce type de profils, jusqu’au sein du conseil d’administration.
J’établis volontiers un parallèle avec les années 90. C’est alors qu’est né le rôle de CMO, qui introduisait les connaissances et visions en matière de marketing au sein du conseil d’administration. Aujourd’hui, les entreprises ont besoin d’un CDO, un Chief Digital Officer, jusqu’au sein du conseil d’administration.
Cis : Vous avez tout à fait raison. Il existe d’ailleurs de nombreuses grandes entreprises du secteur du développement web qui refusent de collaborer avec une entreprise qui ne dispose pas d’un CDO. Il est impératif qu’on parle la même langue de part et d’autre et cela implique nécessairement un profil numérique. C’est un autre aspect de la maturité.
Cis : Pour pourvoir les ponts nécessaires en matière de connaissances professionnelles, nous prévoyons un Conseil de Consultance en E-commerce chez Mex United. C’est un autre moyen d’aborder certains défis, avec des professionnels autour de la table. C’est un format qui peut compter sur un franc succès !
Greet : De nombreux grands détaillants qui réussissent bien disposent d’un CDO. Ils ont franchi ce pas qui représente sans nul doute une belle avance dans la Guerre des Talents. Le CDO parle en effet le même langage !